Être enceinte est déjà assez compliqué, mais l'être au travail peut facilement se révéler épuisant : nombreuses sont les femmes à subir discrimination à l'embauche, déclassement de poste, voire licenciement abusif au prétexte qu'elles sont enceintes. Le point sur vos droits en entreprise lorsque vous êtes enceinte.
Annoncer sa grossesse à son employeur : mode d'emploi
Quand l'annoncer ?
Vous n'avez aucune obligation légale de délai pour annoncer une grossesse. Toutefois, afin de faciliter votre départ, de conserver de bons rapports au travail, et de bénéficier de tous vos droits pendant la grossesse, il est conseillé d'annoncer celle-ci le plus tôt possible :
- Généralement, il est conseillé d'attendre les 3 premiers mois avant d'annoncer sa grossesse puisque les risques de fausse-couche sont plus fréquents lors de cette période décisive.
- L'idéal est d'annoncer sa grossesse avant la fin du quatrième mois, vous pourrez ainsi bénéficier des avantages proposés par certaines conventions collectives :
- réduction du temps de travail ;
- aménagement d'horaires ou de poste, etc.
Quelle procédure ?
Il est conseillé de déclarer votre grossesse par écrit :
- avec remise en main propre de deux exemplaires : celui que vous récupérerez comportera la signature de votre patron, attestant de sa prise de connaissance du document ;
- vous pouvez également envoyer vos exemplaires en recommandé avec accusé de réception ;
Ces courriers devront être accompagnés d'un certificat médical, attestant de votre grossesse, et mentionnant la date présumée de votre accouchement.
À noter : remettez également à votre médecin du travail la fiche « travail - grossesse » présente dans votre carnet de maternité.
Peut-on être licenciée lorsqu'on est enceinte ?
Pas de licenciement au motif que vous êtes enceinte
Un employeur ne peut pas licencier une femme enceinte, dès lors que celle-ci a déclaré officiellement sa grossesse. Cette règle prévaut jusqu'à 10 semaines après l'expiration du congé maternité ou des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité.
Bon à savoir : la protection contre le licenciement accordée pendant la grossesse et pendant le congé maternité ne s'applique pas aux pères pendant le congé de paternité. Ainsi, les juges ne peuvent pas annuler le licenciement d'un salarié intervenu après la période de protection même si le père avait été convoqué à l’entretien préalable pendant cette période. Contrairement aux femmes enceintes ou en congé maternité, les actes préparatoires à un licenciement sont autorisés pendant la période de protection dont bénéficie un père (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.036).
À noter : la salariée licenciée par un employeur ignorant son état de grossesse ne peut obtenir l'annulation de son licenciement qu'à condition d'avoir transmis à son employeur, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du licenciement et par lettre recommandée avec accusé de réception, un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte. À défaut, le licenciement ne peut pas être annulé (Cass. soc., 13 juin 2018, n° 17-10.252).
De jurisprudence constante, la Cour de cassation considère qu'un licenciement prononcé à l'égard d'une salariée en raison de son état de grossesse est nul. La Cour va désormais plus loin en considérant qu'un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d'égalité de droits entre l'homme et la femme. À ce titre, elle déclare que la protection de la maternité contre le licenciement rejoint la liste des libertés fondamentales (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-21.862).
Par ailleurs, depuis le 9 juillet 2023 (loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche), les femmes bénéficient d’une protection supplémentaire contre le licenciement. En effet, depuis cette date, les femmes sont protégées contre le licenciement pendant les 10 semaines qui suivent une fausse couche dite « tardive » ayant eu lieu entre la 14e et la 21e semaine d’aménorrhée incluse.
À noter : si la salariée demande sa réintégration après prononciation de la nullité de son licenciement, elle bénéficie d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre la date de son éviction de l'entreprise et celle de sa réintégration, sans déduction des revenus de remplacement dont elle a éventuellement pu bénéficier au cours de cette période (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-21.862).
Mais un licenciement toujours possible
Il existe des exceptions à cette règle. Ainsi un patron peut licencier une femme enceinte en cas :
- de faute grave non liée à l'état de grossesse ;
- d'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif indépendant de l'état de grossesse, comme un licenciement pour raisons économiques par exemple.
Bon à savoir : l'employeur n'a pas le droit de refuser d'embaucher une femme enceinte au motif qu'elle l'est, ni la licencier ou la sanctionner pour cette même raison. La peine pour ce type d'agissement peut aller jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 25 000 € d'amende.
Pouvez-vous démissionner pendant votre grossesse ?
Il est possible de démissionner pendant une grossesse si vous l'avez annoncé dans les temps et par écrit, avec accusé de réception (comme indiqué précédemment).
Ainsi, vous pourrez démissionner sans préavis et indemnités de rupture de contrat. Il vous faudra de nouveau envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception.
Grossesse au travail : les règles à connaître
Aménager son temps de travail
Dans ce domaine, tout dépend de la convention collective de votre entreprise. Certaines prévoient des réductions de temps de travail dès le troisième mois de grossesse. Le plus souvent, il s'agit d'une heure en moins à aménager dans la journée en accord avec l'employeur.
À noter : si vous ne savez pas ce que stipule la convention collective de votre entreprise, adressez-vous à votre délégué du personnel pour savoir quels sont vos droits.
Bon à savoir : les employeurs doivent rédiger un acte relatif au télétravail dans lequel sont prévues les conditions de recours au télétravail par les femmes enceintes (loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021).
Demander un changement d'affectation de tâches
C'est possible, et sans diminution de salaire, à condition que vous soyez dans l'entreprise depuis au moins un an.
C'est particulièrement le cas si :
- Votre métier est trop difficile ou dangereux pour une femme enceinte : il est possible de demander un changement provisoire d'emploi, par exemple, si vous travaillez en manipulant des produits toxiques pour la reproduction.
- Vous travaillez de nuit : vous pouvez faire une demande d'affectation à un poste de jour.
Rendez-vous médicaux sur son temps de travail : possible ou non ?
Si vous avez déjà annoncé votre grossesse en bonne et due forme, vous pouvez vous absenter pour des rendez-vous prénataux par exemple, des échographies ou prises de sang, etc. et ce, sans réduction de salaire. Cependant, vous devez prévenir votre hiérarchie suffisamment en avance pour lui permettre de s'organiser.
Retour au travail : qualifications, augmentations de salaire, congés
Votre employeur a l'obligation de vous rendre un poste nécessitant les mêmes qualifications ainsi que des conditions de travail similaires à celles d'avant votre départ.
Par ailleurs, la loi prévoit une garantie de rattrapage salarial au profit des salariés enceintes. Il vous faudra donc savoir si des augmentations de salaires ont été décidées pendant votre absence, qu'elles soient générales ou propres à votre catégorie professionnelle.
Important : seules les augmentations survenues pendant votre congé maternité sont prises en compte, et non celles survenues pendant le congé parental.
Bon à savoir : la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 a créé de nouvelles mesures afin de lutter contre l'inégalité de rémunération entre les hommes et les femmes (articles L. 1142-7 et suivants du Code du travail, applicables depuis le 1er janvier 2019 pour les entreprises de plus de 250 salariés, et au plus tard le 1er janvier 2020 pour les entreprises de 50 à 250 salariés). La loi impose à l'employeur un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, l'employeur doit publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération et aux actions mises en œuvre pour les supprimer. Des résultats non satisfaisants entraînent une négociation obligatoire, le départ d'un délai de mise en conformité, et éventuellement une pénalité financière.
En ce qui concerne les congés, le congé maternité n'annule en rien vos congés payés. S'il se trouvait que votre congé maternité coïncidait avec votre période de congés annuels, vous pourrez tout de même récupérer vos vacances à votre retour.
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